Christian par Christian

 

« Madame, cria le corbeau, c’était un temps déraisonnable ! Qui puis-je ?

Et son « qui puis-je » sonnait comme les fleurs de la luzerne où paissent les pinsons.

La vieille, somme toute électrisée, rua de l’arrière-fessier, vers l’oiseau. Un peuplement de cheveux – aux hanches – envahit l’espace comme un pincement de cœur. Aussitôt que cet évènement –remarquable, n’est-ce pas – s’estompa, ce fut en août à 17h que je fus pas conçu, puisque le 18 mars 1944, après la libération de mon père, professeur de gymnastique mais qui fondera le premier cabaret à Marrakech, poussé en cela par sa femme – ma mère, celle heureusement de l’empalement du 18 mars 1944, qui conduirait inexorablement à mon 24 décembre de la même année, bien sûr, à midi, entre un kabyle et une juive, ce qui prédisposait l’engagement dans le mouvement de la paix, Mouvement de la Paix après l’Appel des Cents, quarante ans plus tard. 

Le corbeau éternua. Le coup l’assommait du nez. Il vivait la petite mort. Il éternuait. Le cerveau, sept fois libéré, reconstitua ses neurotransmetteurs, se souvint que nous sommes faits pour être libérés et retrouva le monde, sur la réplique issue de la bouche rouge du corbeau, d’où chuintait parfois aussi des baisers de roses, sur les fronts du temps qui passe, passe, passe. « Ca va pas ? ». Réplique hallucinante, qui ne montrait pas les meneurs du jeu, à savoir les possédants capitalistes, broyeurs de chairs et pilleurs de plus-values pour assouvir leurs femmes qui passent pour chanter le temps des enfants, et du plaisir, l’horrible.

La dame âgée ne se démonta pas : « Sais-tu que nous changeons d’univers ? ». Le corbeau sidéré, purement et simplement.

Les lunes tombèrent une à une.

Et je pris grandeur nature, savez-vous ? Enfant, déjà, je sus - je ne sus pas que je savais que vingt après, mais dans la maison tiède et douce, que savez-vous ? Je ne désignerai pas le premier livre que je lus mais le dernier : « Les incipit », un poulet d’Aragon, élevé de vocables d’aucune souche, avec parfois pourtant un homme qui fait le maître d’école, d’avec lui. Il faut recommencer qu’on meurt. Comme ici dort cet enfant-là, au Maroc.

Je saisis mal l’expédition-expulsion corse jusqu’à Ile Rousse ce tantôt 1954. Dans ces eaux-là, sur une île.

Le corbeau ressuscita, percuta d’une gauche la daronne, lui pétant du coup le râtelier et dut remplir 17 ( dix-sept !) formulaires pour la sécurité sociale. Taper les vieilles coûte.

Mon frère me frappa beaucoup quant à lui, par cruauté intime et me laissant mon droit d’aînesse intra cérébrale. Ou bien cérébral. Alors, je crus, comme l’on croit, dans un temps contre l’oubli des tortures ; et les coquelicots des champs sombraient sous nos badines, à damner notre âme. Je suis damné de par cela car il faisait beau comme jamais. Depuis alors la conscience ? Comme l’herbe folle.

Car rien n’est jamais acquis à l’homme, qu’il exploite. Les cœurs, les sexes, les bras, la tête recensent de cet exploit ; dites ces mots, ma bouche : l’exploit ne grandit nul bonheur puisqu’il n’existe pas de libérés des chaines de moisson. L’exploit c’est l’exploitation d’un humain par un humain.

Le corbeau sanglota.

Du 14 au 17 formulaires ! Exténué ! Il n’y a pas d’amour dont on ne soit flétri. Le tableau imprégnait l’atmosphère au point que je ne vous le dirai pas. La vieille s’en ratidournicotisa l’œil. Elle, opérée rapidement, ne succomba pas. Au contraire.

Depuis, elle coule des œufs heureux avec le corbeau-Robespierre (suite à 5 (cinq !) révolutions, à côté d’une ville dont le remarquable, doux, sonnant nom m’échappe à l’instant.

Donne-moi tes mains, que je dépose cette courte biographie pour l’université, ou sel, concret.

Moi, j’écris.

  1. Riochet. Le 29.IX.88

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