Il était une fois un ours, mal léché.Gros, grand, gras, il avait sur tout le corps une longue fourrure blanche, avecune tache noire sur le ventre. A le voir , comme cela, on le trouvait superbe eton ne pouvait rien lui reprocher. mais il était mal léché, c’est à dire qu‘il avait vraiment très mauvais caractère. Prenons un exemple. Imaginez cetours –appelons le Gros Ours, pour le reconnaître – assis sur un troncd’arbre couché sur le sol. Gros Ours réfléchit. Il se dit à lui même :« bien. La journée commence .mal je n aime qu’une chose, le matin, àmon petit déjeuner : le miel. Un énorme bol de miel. Mais où en trouver ? »

Gros Ours est assis sur son troncd’arbre et il réfléchit. A ce moment – là vous passez par là, parhasard. Vous êtes en train de faire une tranquille ballade dans le bois,regardant les feuilles des arbres et les petites bêtes qui s’enfuient survotre passage. Puis tout à coup, vous tombez sur Gros Ours. Visiblement il al’air malheureux ou en tout cas très embarrassé. Vous lui dites :«  hé ! bien, mon Gros Ours, que se passe –t-il ? »

Et savez vous ce qu’il fait alors ?il se met à grogner, râler et a dire dans sa barbe : « oui, voilàc’est toujours pareil. On est assis tranquillement sur un tronc d’arbre à réfléchirau  moyen de trouver un bon bol demiel et il faut qu ‘il y ait toujours un petit garçon ou une petite fille quiarrive pour vous demander bêtement : « hé bien mon Gros Ours,que se passe- t -il ? »

Moi j’en ai assez. Qu’est -ce -quevous voulez qu’il se passe ? Je suis assis sur un tronc d arbre, c’estle matin et je cherche un bol de miel »

 

Tout cela dit avec des tas de manièresavec les pattes, des mouvements de la tête agacés et plein d’éclairs dansles yeux. Dans ces cas -là, vous avez deux solutions. Ou bien vous partez, toutbonnement. On n’est tout de même pas obligé de supporter les humeurs d’unours blanc avec une tache noire sur le ventre, un ours rencontré dans une forêt,alors qu’on se promène tranquillement, sans penser à rien. Tout le mondepeut bien être assis sur un tronc d’arbre couché sur le sol, à chercherdans sa tête un gros bol de miel pour son petit déjeuner du matin, sans pourcela faire des histoire et des grognements et tes «  oui, voilà, c’esttoujours pareil »

 

Dans ces cas- là, on peut bien partirtout bonnement. On ne répond pas, on regarde ailleurs. On ne dit rien. On nefait que passer. Il y a bien d’autres ours blancs assis sur un troncd’arbre. Il y a bien d’autres choses dans la forêt et la vie est longue. Onrencontrera bien d’autres gens, qui ne seront pas aussi mal léchés que cegros ours. Allez, n’en parlons plus. Passons à autre chose.

Ça, c’est une possibilité.

Mais vous pouvez aussi, dans ces cas -là,décider de l’aider. Pourquoi pas ? Après tout, ce n’est pas tous lesjours que l’on rencontre un ours blanc assis sur un tronc d’arbre, à larecherche d’un  bol de miel.

 

Pour l’aider, vous vous asseyez à côtéde lui, sur le tronc d’arbre et vous réfléchissez avec lui au moyen detrouver ce bol de miel. On peut aller à l’épicerie, dans un garde manger,chez un fabricant de miel, dans une ruche d’abeilles ou encore dans un paysqui serait en miel. Mais tout cela, ce sont des rêves et c’est justement àl’endroit où devrait se trouver ce bol de miel.

 

 

 

A ce moment là, exactement au moment oùle picotement à l’intérieur du vente de Gros Ours commence à se fairesentir, devant vous qui êtes assis tous les deux sur votre tronc d’arbre, uncamion rose et vert avec des portières bleues, un camion pas trop grand, maisquand même  un camion, s’arrêtebrusquement. La portière du chauffeur s’ouvre et une grand- mère, avec une  casquette de chauffeur de camion saute du siège du camion,referme la portière et va ouvrir les deux grandes portes de derrière. GrosOurs a la bouche grand ouverte, les yeux tout écarquillés et vous, vous vousgrattez la tête, parce que quand même c’est une drôle d’histoire, cecamion rose, vert et bleu et cette grand – mère chauffeur. Gros Ours est tellement surpris qu’il en a l’air complètementidiot, avec ses yeux écarquillés et sa bouche pleine de dents, toute ouverte,avec sa langue qui sort un peu sur le côté, comme s’il ne la tenait plus.

La grand-mère, elle, n’a pas l’airétonnée. Elle ouvre les portes de derrière du camion, elle prend un bol demiel énorme, avec une cuillère dedans. elle pose le bol de miel dans la grossepatte toute molle de Gros Ours, elle referme les deux portes de derrière de soncamion, elle remonte à sa place de chauffeur et la voilà partie.

 

Vous parlez d’une sacrée histoire !!Gros Ours n’ose plus bouger sa patte toute molle, dans laquelle il y a ce bolposé. A la fin quand même, vous lui donnez un petit coup de coude dans les côtes,pas pour lui faire mal, mais pour le réveiller, pour qu’il se décide àfaire quelque chose tout de même. Enfin le voilà qui referme la bouche, ,quiarrête d’écarquiller les yeux et qui tient un peu plus fermement le bol demiel. Il bouge un peu sur son tronc d’arbre, il remue ses grosses fesses,comme s’il était très gêné et puis à ce moment-là, exactement à cemoment-là, vous l’entendez dire, d’une toute petite voix qui fait tout drôlepour un aussi gros ours blanc, avec sa tache sur le ventre, vous lui entendezdire :  « C’est tous les matins pareils. C’est tous lesmatins pareils. Je n’arriverai jamais à m’y faire. Quand cette grand- mèrearrive avec son camion rose, vert et bleu, je suis tellement surpris que je nepourrai jamais, jamais m’y habituer ».

 

Retour à : Gros Ours