23ème Variation • Le corps-civilisation

Le corps est le lieu de toutes les civilisations. Aucune civilisation n’est apparue en dehors de ce lieu. La présence de l’homme, comme celle de toute autre forme de matière, passe par le corps c’est-à-dire par une morphologie, une anatomie, une structure atomique, certes différenciée, mais différenciant les mêmes éléments d’origine.

Un protocole matérialiste impose à chaque corps un processus d’adaptation au milieu, toujours selon la seconde constante intersubjective, la loi d’augmentation. Tout le processus consiste à tenter d’intégrer un corps dans un environnement pour lequel il n’est pas adapté.

Le corps devient alors dans ces conditions objectives, le lieu intersubjectif de la civilisation. La civilisation, c’est tout d’abord l’apprentissage du corps, son éducation.

Le corps doit éduquer son propre corps à l’environnement dans lequel il évolue. Ce que le corps doit apprendre, c’est ça bio-dynamique ontogénétique mais aussi les mutations de ce corps afin de permettre une meilleure intégration physico-chimique. Ce double processus en miroir dialectique complique le développement. La civilisation est l’histoire de ces complications que le corps rencontre pour se civiliser.

En aucune façon, à son origine, le corps ne se dissocie de la mère-Terre. La civilisation, le corps-civilisation consiste à tenter cette impossible dissociation. La mise à distance du corps veut permettre une meilleure intégration du corps-sujet et du corps-objet. Ce dédoublement conduit à une bipolarité déséquilibrante.

Cette bipolarité repose tout entière sur le privé et le collectif, le capitalisme et le communisme, dans des types de relationnel inné et acquis. Tout inné doit être acquis. La privatisation matérielle, corporelle du corps est donnée. Ce corps est à moi.

Cette propriété civile, non culturelle, ne s’impose jamais politiquement au cours du premier communisme du mode de production écologique et poétique. Isoler un corps, en revendiquer et en exercer la jouissance privée mène droit à la mort, l’insécurité régnant partout. Seul un collectif sécuritaire communiste peut assurer la survie. Ce corps-privé ne peut s’épanouir que comme corps collectif. Cette civilisation contradictoire va conditionner toutes les géo-histoires de toutes les humanités.

L’histoire devient alors l’histoire de la civilisation du corps. Toute l’histoire de l’humanité n’est que l’histoire du corps-civilisation, lieu de tous les enjeux.

L’homme ne commence qu’avec son corps. Il ne possède que lui. Toute son histoire tient dans les conditions intersubjectives et donc subjectives de l’intégration augmentée de ce corps à la dynamique universelle, l’homme (comme toute forme matérielle) vit pour et par son corps. Il ne possède rien d’autre. Tout ce qui vient s’ajouter à son avoir est obtenu par augmentation culturelle, par action de civilisation de son corps et des autres corps.

Le mode intersubjectif n’est constitutif que de corps qui demandent, qui cherchent à être objectivés. Le corps est le lieu de naissance de toutes les civilisations.

Ici est le concept de corps-civilisation. Car c’est un concept, qui fait rupture. Deux mots qui ne se connaissent pas font connaissance. Il naît de leur union un corps épistémologique qui réoriente les approches anthropologiques. Le corps-civilisation permet au marxisme anarco-poétique de s’élargir vers un mapmondisme logique. Une logique du concret devient possible puisqu’elle suit la logique du corps, du corps-civilisation. Une réappropriation des connaissances et des poétiques intuitives remet toutes les dialectiques idéalistes idéologiques dans un ensemble dont la cohérence revit. Le concept de capital intersubjectif fondateur du mapisme prend tout son sens. Marx élabore, dans sa critique de l’économie politique, la formule fameuse : M-A-M  Marchandise-Argent-Marchandise. Il anticipe l’évolution du capitalisme en posant : A-M-A, puis A-A, alors que tout commencera, dit-il par M-M, le troc. La série :

M-M

M-A-M

A-M-A

A-A

supervise l’évolution implacable du capitalisme libéral moderne. En substituant le corps -C-,  voire le corps-civilisation -CC- à la marchandise, cette série économico-politique accède au rang de système anthropologique de recherche :

C-C

C-CC-C

CC-C-CC

CC-CC

tient debout.

La monnaie, l’argent, le fameux A de Marx s’en trouve inclus dans un processus plus large de civilisation du corps. L’argent disparaît ici dorénavant comme une forme relationnelle géo-historique de mise en circulation du capital intersubjectif initial. L’argent devient corps intermédiaire, un objet de civilisation du corps humain.

La monnaie se comprend tout à coup du coup, comme une négation du corps-civilisation. Un substitut. C’est que le corps-civilisation est une négation géo-historique du corps initial, une mise à distance de ce corps inadapté à son milieu. On peut poser : CC≠C, l’histoire, la géo-histoire est dans cette formule. Le corps-civilisation est une négation du corps lui-même, un système politique, culturel, économique du corps initial.

Qu’est-ce qu’une civilisation ?

Une civilisation c’est être, avoir, savoir, pouvoir.

Cette séquence anthropologique régit toutes les relations du vivant.

Être, Avoir, Savoir, Pouvoir, EASP, l’easp, pour oser cet achronisme.

L’easp est la séquence anthropologique initiale, celle qui doit être parcourue pour constituer une civilisation.

Être, ici, signifie corps.

Tout chercheur qui cherche, tout chercheur d’idées cherche une idée-clé qui ouvrira toutes les portes. L’idée qui conduit inévitablement à l’idéologie idéaliste, c’est toujours proposée comme la clé décisive pour l’homme. Il en fait son nec plus ultra, la caractéristique différentialisante absolue.

Une fleur n’a pas d’idées, pense-t-on.

Il ne s’agit pas ici de tenter bêtement de nier l’existence historique de l’idéalisme. Il s’agit d’en reconstituer la géo-histoire partant du concept opératoire du corps-civilisation. Il existe une chimie douce et une chimie dure du corpus anthropologique. La chimie dure vit du feu de la raison dématérialisée pour dématérialiser le corps, la matière du corps. La pensée se fait alors volcanique, fille en chaleur du feu et tente de se faire passer pour immatérielle. En usant, en pratiquant cette chimie incandescente de lumière en combustion, cette chimie veut supplanter la physique.

Tout idéalisme est métaphysique. Le concept de corps-civilisation ramène l’anthropologie dans un espace, dans un champ épistémologique d’un hyper réalisme radical matérialiste.

Le mapisme y devient mapmondisme.

Le corps posé comme lieu de naissance de toute civilisation donne un fil conducteur nouveau, enrichissant en tout cas, son caractère universaliste. Cette tentation du concept-clé doit être immédiatement abattue. Il n’y a pas de clé universelle. Il n’y a pas de clé. Il n’y a de vision que par le trou de la serrure.

Mais ce concept relève de la chimie douce, suivie d’un vivant en diachronie constante. Tout va à l’augmentation, tout relève, qualitativement, de cette seconde constante intersubjective. Le chiffre 9 pour l’homme, première constante intersubjective, quantifie cette seconde constante, d’où l’homme tirera des algorithmes survalorisants.

Pour ouvrir cette nouvelle recherche fondamentale partant du corps-civilisation, on se souviendra seulement de cette blague que se transmettent les anthropologues en mal d’humour : un grand singe, fort intelligent et coopératif, est conduit dans une pièce où il est laissé seul. L’idée est de voir ce qu’il va faire. Le savant colle donc son œil au trou de la serrure, justement pour voir. Et que voit-il ? L’œil du grand singe qui, l’œil collé au trou de la serrure, regarde de son côté. Il faut en rabattre.

La matière, c’est le capital initial. On laissera pour l’instant ici les civilisations nommées cela comme elles le voudront, force de la pensée ou Dieu transcendantal. Pour l’heure, l’ovni reste ovni, une origine de la vie non-identifiée.

Cette matière se compose d’informations circulantes. En particulier le corps humain cherche durant toute sa géo-histoire, à faire se connecter des informations essentielles qui ne sont pas encore connectées. Ces connexions donnent aussi bien l’énergie nécessaire à une certaine durée de vie, mais encore donnent les conditions de possibilités d’augmentation, le progrès n’est, de ce point de vue, qu’une interprétation philosophique fumeuse.

Il y a bien accumulation primitive initiale, mais le système d’intégration à l’environnement et au corps lui-même n’est pas ajusté. Il est en constante mise au point, mise à jour. L’inadéquation du corps humain à sa propre dynamique et à la dynamique environnementale, c’est par là que s’insinue la civilisation. La civilisation ne cherche qu’à ajuster le corps au corps et à son milieu écologique.

Les connexions bio-génétiques ne s’effectuent que grâce aux éléments (de toute nature, de tout genre, de toute espèce) incorporés. Le corps-civilisation est l’histoire de cette incorporation. Ces ajustements toujours empiriques se font initialement. L’initialisation est bio-génétique. Une hygiène de vie s’élabore pour permettre une optimisation de l’ajustement. Le corps-civilisation ne cherche, en première commande dernière instance, qu’à éliminer les dysfonctionnements.

Le premier dysfonctionnement est corporel. Le corps humain n’est pas « fait » pour être là. Il lui faut sans cesse se naturaliser pour survivre. Les centaines de milliers d’années depuis l’apparition de l’homme suivent les milliards d’années d’adaptation de la nature au système solaire terrestre.

Cette très longue durée géo-historique écrase l’homme dans sa forme physique. Cette longue durée du vivant l’amène à devoir, à son tour, trouver un système de mise en équivalence —son corps— avec dunon-équivalent —l’environnement.

L’histoire du mode de production écologique et poétique montre qu’une harmonisation est possible pour autant que le milieu est respecté. Il y a bio-symbiose anthropologique. Cette bio-symbiose est assurée par le premier communisme, forme initiale de la première civilisation. La première civilisation est communiste. Le développement du corps-civilisation initiale conduit pourtant à une identification privative. Le corps devient une propriété privée. Cette propriété privée s’exaspère dans le cadre d’une collectivisation d’un collectif au moins sécuritaire. Le corps-civilisation parle de l’être à l’avoir, dans la séquence anthropologique easp, être, avoir, savoir, pouvoir.

Ce basculement initialise à son tour le langage du corps, sa mise en code, sa codification non plus originelle mais devenue peu à peu culturelle. C’est la seconde constante intersubjective, l’augmentation, qui qualifie. Une qualification certes matérialiste, mais qui déjà prend en considération la nécessité de cette qualification augmentée. Le corps-civilisation, celui du passage de l’être à l’avoir, se découvre singulariser parce qu’il a précédemment besoin d’être qualifié. Il faut donc en quelque sorte, déprogrammer les erreurs initiales et reprogrammer une fonctionnalité plus performante, augmentée.

C’est l’histoire du corps-civilisation comme lieu de naissance, le corps se dénaturalise pour chercher à se civiliser. Le privatif tente d’écarter le collectif. Le capitalisme conteste le communisme, selon l’easp.

Il faut – pour tenter de saisir ce processus – mettre à distance épistémologique les acquis de civilisation, toujours. Cette mise à distance ne sait être que superficielle, superfétatoire, épiphénoménale. Elle est partout la condition épistémologique de compréhension conceptuelle. Cette mise à distance n’est pas le résultat d’une civilisation aboutie, mais bien au contraire le résultat du premier passage du corps civilisation de l’être à l’avoir.

Or l’avoir, c’est la propriété.

La propriété, c’est une géo-histoire. Le corps trouve son territoire. Il se localise et cherche, dans cet espace-temps, à se sécuriser d’abord et avant tout et ensuite à se reproduire.

Cette reproduction bio-génétique, démographique, singularise le reproducteur. La femme surgit comme moyen de reproduction manifeste. Cet utérus, usine de transformation de matériaux originels, donnés, singularise déjà dès la première naissance. Le premier acte du corps-civilisation, c’est l’enfant. Or le produit de ce moyen de reproduction est très largement inadapté, mal foutu, dysfonctionnel, incongru.

Le corps-civilisation commence par éduquer ce sous-produit dysfonctionnel.

Le corps de l’enfant n’est ni naturel, ni culturellement incorporé à son environnement.

Les réajustements fonctionnels sont indispensables longs, difficiles, empiriques et ingrats.

La première civilisation du corps humain, c’est  éduquer le corps venu au monde.

La contradiction est formidable. Des inadaptés cherchent à adapter un corps à un milieu hostile, ou en tout cas d’une effarante complexité.

La mascarade se nomme une civilisation première, fondatrice. Le quiproquo ne manque pas d’ironie de l’histoire.

Tout l’easp, toute la séquence anthropologique initiale, cherche à réduire, voire éliminer cette phase éducative. C’est que l’opposition communisme-capitalisme brouille théoriquement les cartes.

Cette opposition est fondamentale. Elle détermine tous les processus géo-historiques de civilisations. Lors de l’apparition de l’homme, celui-ci doit être, avoir, savoir et pouvoir (easp) son corps. Il doit comprendre, prendre avec lui son corps avec son corps. Le mode de production écologique et poétique qui lui est imposé le contraint à aborder cette première civilisation collectivement. La tribu, étroite, se serre les coudes. Si chacun se sait, se sent propriétaire privé de son corps, il ne le revendique pas plus qu’il n’existe de propriété, a fortiori privée.

Pour singer Hegel, on dirait que le corps est peut-être en soi, mais il n’est pas pour soi, il est pour les autres.

La relation intersubjective détermine tous les échanges civilisationnels. La capitalisation de l’easp fait monter en puissance les forces subjectives, c’est-à-dire un système d’informations singularisant.

Le charisme chamanique et les usages fonctionnels tendent à identifier l’individu. Mais si détentions relationnelles inévitables existent, elles sont résorbées par le collectif. La revendication de paternité arrive de ce point de vue comme un coup d’état, déclenchant un corps à corps. Mais ce coup d’état est lui aussi le résultat de la dynamique bio-génétique combinée à la dynamique sociale. Le premier communisme ne sait pas intégrer cette revendication démographique et politique. Ce corps revendicateur réclame la propriété privée. Il ne peut pas être incorporé au dispositif du premier communisme. Le corps-civilisation initial se scinde en deux : l’un demeure communiste « communauté », l’autre devient anticommuniste, allant vers un capitalisme inévitable, puisque se fondant sur une évidence : ceci est mon corps. Le « mon » réfléchit la possession. Le corps du premier communisme dit : « ceci est un corps », le premier capitaliste s’approprie, approprie son propre bien que seul la collectivité conteste, pour maintenir un équilibre entre populations et substances. Le corps capitaliste naît de l’opposition au corps communiste.

L’enjeu est terrible : c’est la propriété exclusive du bébé, un droit d’auteur démographique. En France, la SACEM gère les droits des auteurs en musique.

Cette SACEM vaut bien une Société Anti Communiste Elémentaire Matérialiste, pour contrôler cette musique nouvelle du corps-civilisation.

Ainsi naît l’Autre Ailleurs Avant, le 3A, pivot vertigineux de la bipolarité du corps-civilisation.

C’est que le corps se civilise. Il poursuit le programme qu’il l’a conçu et énergisé.

Le corps se civilise : il doit se connaître, se reconnaître et s’augmenter. En contact permanent avec lui-même, il cherche un espace-temps de déconnexion pour tenter d’éradiquer l’erreur de programmation qui non seulement lui impose de s’adapter mais qui plus est le mène à user de violence pour le faire.

Chercher l’erreur.

 La civilisation du corps, le corps-civilisation cherche cet ajustement du « toujours plus », constantes intersubjectives d’augmentation, par mise à distance du corps devenu l’objet de tous les malheurs de l’A3, l’Autre, l’Ailleurs, l’Avant.

Le corps est une ellipse.

Il a deux centres géo-historiques et le double défi à relever, de maîtriser le corps et de l’incorporer à l’environnement. Le type d’organisation sociale, communiste ou capitaliste vient directement de cette double bipolarité elliptique. Cette double bipolarité est donnée à ce que l’anthropologue va appeler l’homme.

Comme tout inné, il faut acquérir la donnée. La fonctionnalité du corps ne se révèle qu’à l’expérimentation. Il n’existe pas de « manuel d’incorporation ».

Le corps lui-même est non seulement le lieu de civilisation mais il est civilisation lui-même. Il est géo-historique. Aucune autre voie de passage n’est possible. L’augmentation s’effectue là, à ce moment et nulle part ailleurs.

Certes dans l’espèce, les différences s’opèrent, créent des sous-espèces, modèles systémiques testés en l’occurrence. Mais le corps n’en poursuit pas moins son adaptation doublement bipolaire. Le développement bio-génétique inné et acquis se poursuit dans cette configuration complexe. L’augmentation ne va pas de soi. Elle ne peut se sanctuariser qu’à l’épreuve de la longue durée. Chaque étape bonifiée anticipe déjà la suivante. Le programme qui mène de l’ontogenèse à la phylogenèse de l’homme ne s’interrompt jamais. Cet acharnement du « toujours plus » vient principalement de la brièveté initiale de la durée de vie. L’objectif est d’abord de prolonger cette durée. Cette prolongation vient à la fois du taux de natalité et de la prolongation de la durée de vie elle-même. Plus d’enfants, qui vivent plus longtemps. C’est un paradoxe.

En effet l’équilibre des populations et des subsistances s’en trouve constamment compromis.

L’effet d’un déséquilibre de cette nature (c’est le cas de le dire) est immédiat : la mort.

Prévoir - le prè-voir de cette économie écologique et poétique - devient une nécessité vitale. Le corps-civilisation, le corps qui est toute la civilisation, l’être ontogénétique doit donc passer à une culture de l’avoir. Cette culture ne peut être, ne sait être expérimentale. L’expérience de l’Autre, immédiatement exploitée, collectivisée n’autorise pas, dans cette urgence initiale, une accumulation autre qu’immédiatement actualisée, valeur d’usage et non valeur d’échange. L’échange systémique est d’usage et il n’en existe pas d’autres.

Cette immédiateté contingente contingente la structure sociale. Il n’y a pas de loi autre que celle de la nature et tout y est jurisprudentiel. La mise à distance des acquis ne s’effectue que sur une longue durée et avec la progression démographique. Cette progression mathématique, quantitative, révèle le potentiel. Mais ce potentiel est encore imprévisible. C’est que le corps-civilisation sait qu’il va vers une progression démographique exponentielle, expansionniste, génétique donc, mais l’homme ne le sait pas et, d’ailleurs, la femme non plus. L’avoir est embryonnaire, le savoir  non-su, non-institutionnel. La transmission des acquis ne dépend pas d’une mise à distance prévisionnelle mais d’une logique du concret corporel stricte.

Les millénaires passants, le corps-civilisation trouve un équilibre éprouvé, mais éprouvant. La civilisation n’en est pas encore au bébé-éprouvette. Il n’y a pas de mère éprouvée ni de père éprouvant, puisqu’« on » n’a pas de lien de parentés. Le corps-civilisation est déjà sa propre éprouvette. Il expérimente. Il se repère (on pourrait même dire qu’il se « re-père »). Il se reproduit. Il consomme mais il reste soumis à une dynamique universelle sur laquelle il n’a aucun contrôle autre que celui de ce corps-civilisation immédiat auquel il ne peut échapper. Cet emprisonnement initial accentue la bipolarité, la double bipolarité. Elle l’exacerbe. Les différences perceptibles —gros, grand, petit, etc.— ne sont que des différences anatomiques. Ils ne savent pas être perçus autrement, faute de possibilité de comparaisons autres qu’étroites et tribales. Le corps est endogamique. La rencontre de l’Autre, d’une autre tribu ouvre ce champ comparatif. Le corps devient exogamique. L’Autre Ailleurs Avant, le 3A, permet de mesurer ces différences. Elles sont culturelles cette fois, pour la première fois. Cette notion de «première fois» fera plus tard l’objet d’une théorie épistémologique déterminante. Que la rencontre de l’A3 soit pacifique ou guerrière, la dynamique comparative est enclenchée. Elle ne cessera plus. Le corps ne peut plus être qu’exogamique. Il ne peut plus être seul dans la tribu. Il devient un attribut. Mais l’ensemble de ces informations ne s’était exploité que par un corps-civilisation qui a déjà considérablement développé son centre de traitement : le cerveau. Les capacités de ce cerveau en croissance ne sont pas perceptibles, même sur plusieurs générations. Le processus est trop lent. La mémoire, corporelle, exclusivement immédiatement corporelle impact les circuits internes du corps mais ne se donne pas de façon intentionnelle. Il faut pourtant se rappeler l’hypothèse de la télépathie fonctionnelle. La capacité télépathique du corps-civilisation s’accentue, expérimente, s’assure, s’affirme.

Cette hypothèse soulève de lourdes difficultés anthropologiques. Elle demeure malgré tout un chemin de recherche riche et déroutant pour les savants du début du troisième millénaire.

Cette piste ne doit pas être ignorée.

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *