Les Aventures de l’argent de Ludo

Le n°1 d'un feuilleton financièrement inhumain

 

La littérature a inventé une forme qu'elle nomme la "uchronie".
Cette manière consiste à admettre l'hypothèse selon laquelle un évènement historique qui ne s'est pas produit, s'est produit. Par exemple, itler (le magazine se refuse à même donner un H majuscule à cet ignoble personnage) a gagné la guerre : que se passe-t-il ? Autre exemple : Cléopâtre n'a non pas le nez de Pinocchio mais un charmant petit nez en trompette avec taches de rousseur insolentes : la face du monde en aurait-elle été bouleversée ?

  

          

Monsieur Gilles De Lafinance ouvre donc ici un feuilleton consacré à l'argent de Ludo.

Ludo commence ses Aventures au mois de septembre 2018. On a bien lu : septembre 2018. Il reçoit un jour dans sa boite à lettre électronique (sa bàle) un message obscur d'"Unamiquivousveutdubien".

Ludo est un "trader" qui manipule surtout des fonds sur le marché du lithium et de l'or. Ces deux métaux sont indispensables, cruciaux pour toutes les économies numériques.

Ludo n'en demandait pas tant : il apprend qu'un décret français publié en catimini au mois de décembre 2013 contingente de façon drastique les capitaux de l'hexagone après l'élection du président de la République en mai 2017. Le ministère de l'économie anticipait déjà une possible panique financière provoqué par la menace d'une prise de pouvoir du parti néo-fascisme Front National. Ce décret était resté jusques ici au fond d'une économie de l'ombre. "Unamiquivousveutdubien" met pour Ludo un coup de projecteur éblouissant et incompréhensible : pourquoi choisir Ludo pour lui signaler ce vieux décret, puisque les Aventures de Ludo commencent en septembre 2018 ?

Ludo en bon bourgeois moyen de la classe dirigeante bleu-blanc-rouge, en bon père de famille, en bon ami, Ludo se met à avoir peur. Il comprend en effet que ce décret datant de 2013 pose explicitement l'hypothèse émise par l'Etat-Nation français d'une faillite d'une grande banque après cette fameuse élection où le Front National pourrait bouleverser la donne de l'histoire de France.

L'Etat-Nation français pose donc l'hypothèse qu'une banque du type Crédit Lyonnais, BNP, Crédit Agricole ou autre "petite" structure du monde financier international peut disparaître.

Ce décret de décembre 2013 n'est pas une fiction. Il a été réellement mis au point.

Ludo comprend alors qu'il faut remonter le fil rouge d'Ariane qui mène au monstrueux Minotaure : qui est "Unamiquivousveutdubien" et pourquoi a-t-il, lui Ludo, été choisi ?

La presse française a abandonné la merveilleuse tradition du feuilleton. Balzac, Maupassant, Hugo ou Zola par exemple y trouvèrent leurs premières armes et passionnèrent le bon peuple de France. Monsieur Gilles De Lafinance reprend ici le flambeau. C'est le premier Episode. Il en suivra toute une série, selon la périodicité aléatoire qui caractérise le magazine Riochet.net.
"Ludo se gratta la tête et rapprocha sa calculette" : ses Aventures commencent là.

LES AVENTURES DE L'ARGENT de LUDO

Premier Episode

 

En ce dimanche matin, 1er avril 2018, Ludo, attablé devant son petit déjeuner, est un quadra qui s’estime chanceux. Marié, quatre enfants en bonne santé, une situation professionnelle enviable, propriétaire de son logement, bref un SDF (comprendre « Sans Difficultés Financières »)…
Bien que n’ayant pas terminé de rembourser sa villa, achetée à crédit, il avait réussi à mettre de côté une partie de ses revenus. Mais c’est précisément ce qui le tracassait.
Il avait reçu le matin même un courriel d’une Bàle (Boîte aux Lettres Electronique, rien à voir avec le comité -presque éponyme- de contrôle bancaire suisse) qui l’avait vivement intrigué.
Alors que des élections présidentielles avaient eu lieu l’année précédente, en 2017, lui qui ne s’attachait pas trop à la politique, était incrédule par ce qu’il venait de découvrir dans sa Bàle.
Il lisait, comme ses nombreux collègues de bureau, les actualités économiques. Il les considérait comme nécessaires à la bonne anticipation et exécution de son travail. Il était familier des articles de cette presse, tant française qu’anglo-saxonne.
Son métier de négociateur en métaux et terres rares (lithium, or, scandium…) destinés à la fabrication de produits de très haute technologie, l’avait conduit à une maîtrise, presque parfaite, de la langue anglaise.
Sa surprise fut donc totale lorsqu’il tomba sur ce courriel. Il était bien sûr au fait des dernières évolutions de l’économie française et des rumeurs de « Frexit », sortie de la France de l’Union Monétaire Européenne. En effet la France imitait en cela ce que la Grande-Bretagne avait réalisé au cours de l’année 2016. Une imitation partielle toutefois, la Grande-Bretagne n’ayant jamais intégré le système de l’euro.
Il était conscient des risques liés à cette sortie de l’Euro et des cascades de conséquences auxquelles il serait confronté dans la gestion de ses contrats avec l’étranger. Mais de là à s’attendre à une spoliation ! Il avait par ailleurs d’autres lectures économiques, qui ne lui avaient jamais laissé entrevoir une telle éventualité.
La « chose », qu’il n’avait pas prévue, s’étalait pourtant sous ses yeux, discrètement, en catimini, chez lui un dimanche.
Il y était annoncé, purement et simplement un « prélèvement obligatoire » sur les avoirs bancaires, et ce dans l’intérêt général de sauver l’Euro et l’Union Monétaire Européenne !

 

Une sacrée directive de la BCE de décembre 2013 !

De cette même année 2013, la Banque Centrale Européenne avait tiré les conséquences pratiques de la crise financière de Chypre, qui s’était traduite par des ponctions sur les comptes des épargnants chypriotes. Reprenant une idée du FMI (Fonds Monétaire International), d’une « supertaxe » de 10% sur le patrimoine, l’Europe a entériné cette idée de renflouement des banques par les déposants, en nuançant, certes, « en cas de crise grave ». Le texte de la directive était explicite.
Cette idée de renflouement, scellée le mercredi 11 décembre 2013 par l’Europe, a fait l’objet d’un accord, qui n’a pas eu le retentissement médiatique qu’il aurait dû avoir. Certains articles ont même titré « C’est dans un silence médiatique assourdissant... » que l’Europe a scellé un accord en faveur de la taxation de vos dépôts bancaires.
On laissera aux juristes le soin de débattre de la constitutionnalité de cet accord…
Un mécanisme national de garantie a donc été adopté le 17 décembre 2013 par les représentants des Etats et le Parlement européen. Des représentants du Parlement européen, du Conseil, qui représente les Etats, et de la Commission européenne se sont mis d’accord au cours d’un « trilogue » sur ce texte qui s’appliquera aux 28 Etats membres.
Ce mécanisme est entré officiellement en vigueur au 1er janvier 2016. Il ne fera plus porter les charges des mauvaises gestions bancaires sur les contribuables, mais sur les actionnaires et les déposants !
Cette transposition en France se retrouve au travers des textes régissant le Fonds de Garantie des Dépôts et de Résolution (FGDR).

 

« La Sécurisation des dépôts bancaires »

Un Fonds de Garantie existe pour les dépôts bancaires. Le FGDR (Fonds de Garantie des Dépôts et de Résolution), organisme d’intérêt général, a été créé par une loi du 25 juin 1999 relative à l’épargne et à la sécurité financière. Bien qu’ayant à ce jour conservé son nom, ses modalités de fonctionnement en ont été profondément changées pour tenir compte des directives européennes, la dernière en date étant celle dite « DGSD2 » adoptée le 16 avril 2014, et adaptée en droit français
« Une protection pour les clients comme pour l’ensemble du système bancaire ».
La mission du Fonds est de protéger les clients des banques en cas de défaillance de leur établissement bancaire. Il est chargé de l’indemnisation des déposants dans un délai de 7 jours ouvrables, jusqu’à 100.000 € par personne et par établissement, si l’établissement auquel ils ont confié leurs avoirs ne peut plus faire face à ses engagements. Cette garantie est octroyée dans certaines conditions et limites.
« La garantie des dépôts en protégeant les déposants, contribue à entretenir la confiance et à assurer la stabilité du système bancaire ».
La directive « DGSD2 », transposée dans le droit français depuis fin 2015 et assortie de 5 arrêtés d’application publiés en date du 27 octobre 2015, a introduit plusieurs avancées significatives pour les déposants :
Un élargissement de la garantie à tous les dépôts et à toutes les devises, européennes ou non ;
Un raccourcissement du délai d’indemnisation à 7 jours ouvrables au lieu de 20 jours à compter du 1er juin 2016 ;
La création d’un rehaussement du plafond d’indemnisation pour des « dépôts exceptionnels temporaires » ;
De nouvelles obligations d’information des établissements envers les déposants.

 

Les Dépôts Exceptionnels

La protection des « dépôts exceptionnels temporaires » est une garantie des dépôts qui couvre désormais les sommes qui ont été encaissées moins de 3 mois avant la défaillance de l’établissement et qui proviennent :
De la vente d’un bien d’habitation vous appartenant ;
De la réparation en capital d’un dommage subi par vous ;
Du versement en capital d’un avantage retraite, d’une succession, d’un legs, d’une donation ;
D’une prestation compensatoire ou d’une indemnité transactionnelle ou contractuelle consécutive à la rupture d’un contrat de travail.
La limite d’indemnisation de 100.000 € est relevée de 500.000 € supplémentaires pour chaque événement parmi les cas ci-dessus, sauf pour l’indemnisation des dommages corporels qui est sans limite de montant. Le client devra écrire au FGDR dans les deux mois de la réception de son indemnisation initiale pour exercer son droit et fournir les justificatifs.
Les nouvelles informations à diffuser par les établissements bancaires
A partir de 2016, les banques devront présenter aux personnes désireuses d’ouvrir un compte ou un livret entrant dans le champ de la garantie des dépôts une fiche descriptive de la garantie des dépôts, puis demander la signature d’un accusé de réception de cette fiche lors de l’ouverture du compte si elle a lieu. Ils devront diffuser cette fiche une fois par an et en parallèle de ce dispositif, mentionner dans les relevés bancaires les comptes couverts par le FGDR.

 

Environ 450 Etablissements couverts

Toutes les banques et tous les établissements de crédit opérant en France sont couverts par la garantie des dépôts. L’adhésion à cette garantie est une condition même de l’exercice de leur activité sur le territoire.
La garantie des dépôts de 100.000 €
La règle est la suivante : en cas de faillite d’une banque, chaque compte bancaire est en principe garanti à hauteur d’un montant maximum de 100.000 euros. Cette garantie est :
Individuelle : si le montant cumulé figurant sur les comptes respectifs de deux conjoints dans la même banque est de 150.000 euros, à hauteur de 90.000 euros pour l’un et de 60.000 euros pour l’autre, cette somme cumulée est entièrement garantie.
Inversement, si une même personne possède deux comptes bancaires dans le même établissement, la garantie est plafonnée à 100.000 euros pour l’ensemble des dépôts.
Applicable à chaque établissement : un déposant ayant 70.000 euros dans une banque et 50.000 euros dans une autre banque verra ses dépôts garantis à hauteur de 120.000 euros.
La garantie des Livrets.
Toutes les sommes déposées sur les livrets garantis par l’Etat, livret A et livret bleu, livret de développement durable et solidaire (LDDS) et le Livret d’Epargne Populaire (LEP) sont couvertes, jusqu’à 100.000 euros par client et par établissement. Le FGDR procède à cette indemnisation à la demande et pour le compte de l’Etat.
Une garantie des dépôts valable pour tous les clients des banques
Le principe général est que tous les clients des banques sont bénéficiaires de la garantie des dépôts qui couvre :
Les particuliers, qu’ils soient majeurs, mineurs, sous tutelle ou représentés par un tiers ;
Les entreprises de toute taille, quel que soit leur statut (SA, SARL, EURL, EIRL par assimilation, …);
Les associations, sociétés civiles, fondations et autres groupements de toute nature ;
Les établissements publics, collectivités locales et leurs propres établissements.
L’étendue de cette couverture est destinée à renforcer la confiance du public envers le système bancaire de la manière la plus large possible.

 

Procédure en cas de faillite.

Si votre banque disparaît, la procédure à suivre serait la suivante :
Lorsque la banque fait faillite, le Fonds de garantie des dépôts est saisi par la Commission Bancaire. Il procède alors à un audit des comptes.
Le déposant n’a aucune démarche à accomplir : c’est le Fonds de garantie qui, après avoir adressé un courrier à chaque déposant, vire les sommes garanties sur le compte d’une autre banque dans laquelle le déposant détient un autre compte. »
Il apprécia bien le commentaire en-dessous du logo du FGDR : « Votre argent est protégé », avec un humour qui lui fit grincer des dents…
La lumière noire de ce genre de décret le rendait sourd, muet et aveugle. L’image des trois petits singes surgit devant lui. Ludo se gratta la tête et rapprocha sa calculette.
La procédure décrite n’était qu’hypothétique : elle reposait en effet sur l’intervention d’un Fonds de garantie dont les ressources pouvaient être estimées à 3.000.000.000 €. S’il divisait ces ressources par le montant garanti de 100.000 €, il ne trouvait que 30.000 clients indemnisables…
Cette garantie n’était donc que théorique. En cas de faillite d’une banque, la protection de l’argent des déposants ne pourrait réellement être assurée que par une intervention de l’Etat.
Il retenait toutefois une chose qui le troublait : l’hypothèse de faillite d’une banque n’était pas écartée…
Il comprenait en tout cas, vu son expérience, que ce qu’il prenait pour hypothétique, devenait une révoltante réalité.
Ludo se disait finalement qu’il n’y avait pas que (dans le désordre, car sa vision était brouillée), sa famille, ses amis, son travail de technico-commercial, l’éducation de ses enfants, le suivi des cours des matières premières, les contrats… dans la vie.
Il aurait également dû s’intéresser aux mécanismes de la monnaie, ce vecteur de l’économie en termes d’échanges de valeurs, et que lui-même utilisait comme protection pour sa famille et lui, face à un avenir incertain. Son épargne disponible allait déjà être réquisitionnée !
Ludo n’était pourtant pas tombé de la dernière pluie. Ces affaires-là sont sans doute très complexes. Il comprenait avec certitude que lui-même, sa famille, ses enfants et le grand cercle rapproché de ses amis allaient devoir prendre de sacrées précautions. Sacré Bon Dieu, comment cela était-il arrivé ?
Depuis qu’il travaillait dans son secteur, et qu’il voyait défiler des millions sur les contrats, il se répétait in petto une phrase qui parfois arrivait à le hanter : « où passe le pognon ? ». Il se sentait plongé dans un véritable thriller à l’américaine. Il avait un cadavre : une banque, un assassin : le système financier, et la scène de crime : Bruxelles ! La scène de crime n’était pas élégante ; il se rappela le rôle presque « machiavélique » de la Banque Centrale Européenne (BCE).
Il sourit tristement et dit à mi-voix : « mais que fait la police ! ».
Cette politique économique avait été en effet « bien » construite par des énarques, enfoncés dans leur fauteuil de la rue de Bercy, le siège du ministère de l’Economie et des Finances, et leurs collègues européens de Bruxelles.
Mais il ne voulait pas se morfondre ni se conforter dans ce rôle de « pleureuse ». Son esprit réactif était bien décidé à percer les arcanes de la Finance. Il repensa à sa famille, et à la protection qu’il avait voulu lui assurer en souscrivant une assurance-vie. Celle-ci n’était pas encore directement menacée, mais, après ce qu’il venait de lire, à quoi devait-il encore s’attendre ? Ce prélèvement sur les dépôts ne représenterait-il que les prémices d’autres confiscations à venir ?

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