29ème Variation • Le corps-capital

La matière initiale se différencie. L’une de ses différenciations multiformes, c’est le corps naturel, vivant, en ajustements constants. La différenciation ouvre d’autres différenciations, périodiques, permanentes. La seconde constante intersubjective, l’augmentation, impose une dynamique de variables d’ajustement périodiques expérimentales sociales. Sociales car la dépendance est la loi d’évidence. L’intersubjectivité et le mode de production initial, surdéterminant, qui oriente tous les autres modes de production et de consommation, en particulier donc le mode de production démographique. Pour ne s’en tenir qu’au corps humain, celui-ci surgit comme élément d’un système bio-diversifié. Il est élément d’un écosystème dont il dépend tellement. Le corps humain est donné comme un capital initial. Le corps capital fonde une propriété privée – c’est mon corps – qui se collectivise immédiatement. Un corps privatisé, isolé est un corps mort. La dépendance de l’enfant impose cette collectivisation de survie. Le corps-capital s’intègre donc au groupe, à la communauté, qui l’absorbe, l’engloutit, le gèle et le fait disparaître dans cet ensemble. Toutes les différences, toutes les inégalités ne sont pas gommées mais synchronisées. Repérées en tant que telles, elles enrichissent la tribu restreinte. Le corps capital initial s’accumule dans ce premier communisme inévitable. Le groupe fonctionne horizontalement, en boucle. La tribu agit comme un accélérateur de particules, à l’intérieur duquel les choses révèlent des composantes méconnues, tout à coup observables, mesurables.

Les deux premières choses initiées, initialisées mettent à jour la violence comme modalité relationnelle et la fécondité comme unité de reproduction de ce corps-capital, unité de production contrôlée principalement par la femme. La femme est une unité de reproduction du capital initial qu’est le corps. Dans ces premières conditions radicalement communistes, cette synergie collectiviste explique cette démographie. Si elle ne l’explique pas, elle se révèle comme lieu de cette reproduction. Le mécanisme de fécondité, fut-il accueilli comme magique, ne sait s’actualiser que par, que grâce à ce premier communisme, que par ce premier relationnel. On est contraint de supposer, de soupçonner une circulation du capital subjective ignorée par l’anthropologie du XXIe siècle. En particulier les synergies diachroniques, télépathiques devaient jouer un rôle essentiel pour la dynamique de groupe.

Ce type de relation shamanique implique une diffusion sociale des savoirs et des acquis épi-génétiques.

Le corps-capital s’accumule, s’enrichit. La rente du capital, c’est justement cette augmentation de capital initial qu’est le corps. Le corps-capital découvre peu à peu ses possibilités de développement, d’enrichissement, d’augmentation.

Toute la dynamique du premier mode de production écologique et poétique s’enclenche là. Le capital qu’est le corps livre ses richesses, ses possibilités d’accroissement. Il peut se développer, s’augmenter. Ce développement est possible à une double condition globale, synergétique : rendre permanent «permaner» et prolonger la durée de vie. La survie conditionne les conditions de prolongation de la durée de vie. C’est qu’il faut de longues durées pour valider expérimentalement les découvertes. La validation des acquis de l’inné ne sait s’enregistrer que sur la longue durée. Chaque découverte, toujours pratique, suppose une restructuration de la dynamique communiste. La particularité, toujours inégalitaire, poussant à une différenciation perturbante, doit être réintégrée dans la collectivité nivelante.

La courte espérance de vie compromet sans cesse la transmission des acquis, transmission toujours verbale, orale, gestuelle, qui doit trouver son écriture pour durer malgré la vitesse de renouvellement des générations.

L’enfant n’a pas le temps de n’être plus qu’un adolescent.

La séquence de civilisation, l’easp, l’être-avoir-savoir-pouvoir, brève, se doit d’être prolongée pour aboutir. Chaque moment gagné sur la mort rallonge les transitions de cette séquence de civilisation. Être, c’est le corps-capital. Mais de cet être inné, de ce capital offert par la nature ne découle pas l’avoir. Être est avoir mais avoir n’est pas être. Encore faut-il savoir que l’on peut avoir.

C’est la civilisation de l’être à l’avoir au savoir qui enclenche le pouvoir.

Il y a consubstantialité dynamique, dialectique.

C’est ici que s’ancre le pouvoir du shaman. Le shaman jette son ancre ici, il stationne son navire amiral. Il devient le Pacha.

À l’origine, le capital initial, organique, biogénétique possède le corps. C’est au corps de renverser cette relation innée. Il appartient au corps de mettre en valeur son corps, le capital qu’il représente. En tant que corps exclusivement consommateur non-productif, l’homme ne peut, ne sait que maintenir un équilibre écologique et poétique harmonieux, en osmose expérimentale.

Toutes les crises de déséquilibre sont surmontées dans cette osmose écologique, naturelle, naturalisante.

La forme tribale de la U-caverne résiste pourtant au cours des millions d’années.

L’accumulation du capital primitif, l’accumulation primitive prouve, garantie la longévité de l’espèce, avec – bien sûr –tous les ajustements possibles effectués afin de parvenir à l’homme dit moderne.

Ces augmentations d’ajustement, ces variables d’ajustement révèlent toutefois peu à peu pas à pas, à quel point elles sont nécessaires, indispensables et surtout, surtout possibles.

La machine corporelle doit être mise au point, corrigée de ses erreurs de fabrication.

L’homme – pour ne s’en tenir qu’à lui – est là, ici et maintenant, pour perfectionner le corps-capital embryonnaire. L’homme est au monde pour développer son capital et donc prolonger tout d’abord sa durée de vie pour précisément s’adonner à cet enrichissement de ce capital.

L’homme est venu au monde pour atteindre cet objectif. Encore faut-il s’en donner les moyens objectifs.

Il possède en effet toutes les capacités intersubjectives pour y parvenir. Le corps-capital cumule précisément ses capacités intersubjectives.

Le corps est une capitalisation primitive de capacités subjectives de développement objectif.

L’équilibre auquel chaque tribu de chaque U-caverne parvient marque peu à peu des différences de performances. La progression démographique de la tribu signifie l’efficacité de l’équilibre des populations et des subsistances de ce groupe particulier. Cette singularité performante vient principalement, exclusivement de la capacité culturelle de la tribu, de la U-tribu à intégrer les singularités individuelles. Le corps, capital à l’origine privatisé de facto, est collectivisé, mis en commun, communisé. La vitesse d’intégration de ce capital privé dans le capital collectif est l’une des garanties du bon fonctionnement culturel.

L’être – le corps – devient un avoir collectif et ce grâce au savoir lui aussi collectif.

Il n’y a pas de savoir individuel. Le savoir ne sait qu’être celui d’une équipe expérimentale suivant un protocole matérialiste vers un pouvoir d’augmentation du corps initial.

Cette équipe de chercheurs fondamentalistes expérimentaux doit prendre en considération la nature même du capital initial. Ce faisant, l’équipe tribale mesure tout d’abord, normalise, les hiatus d’adaptation. Un appareillage pragmatique de variables d’ajustement doit être mis au point. Le corps, capital initial, doit sortir des vapes pour augmenter sa valeur. La rente du capital, travaillée, valorisée, régulière ne fournit de profit rentable qu’à force de réajustements au milieu écologique par action poétique. Le mode de production écologique est poétique parce qu’expérimental, pragmatique et partant à la découverte de pouvoirs arborescents insoupçonnés.

L’easp – être avoir savoir pouvoir – séquence de civilisation s’impose certes, compte tenu des ajustements nécessaires et possibles à effectuer. Mais cette mimique est aveugle ou en tout cas son protocole matérialiste évanescent. Ce en quoi il est poétique.

Il faut pour essayer de comprendre cette évolution positive, admettre l’hypothèse que le savoir est non seulement élaboré, constitué en corpus épistémologique, anthropologique, mais qu’en plus ce savoir est bien évidemment transmis. Ce savoir est un fait de savoirs de civilisation collective géo-historique partagée.

Ce partage ne peut se concevoir que de génération en génération. Ce rythme démographique sur-détermine cette transmission.

L’espérance de vie est entre 0 et 20 ans. Cette accélération de génération suppose qu’un enfant de cinq ans reçoit le savoir d’une personne plus âgée de 15 ans au maximum. L’écart de générations est court. La pyramide des âges est pratiquement plate. La rapidité de transmission implique une structuration mentale et un système de communication rudimentaire, tout entièrement soumis au développement neuronal. Le protocole matérialiste initial suppose donc de dépasser ce développement corporel pour enrichir le capital initial. Pour cela l’allongement de la durée de la vie du capital initial est indispensable. Tel quel, le corps, capital initial, ne peut que prolonger sa durée de vie initiale s’il veut non seulement s’accumuler, mais croître.

Il faudra plusieurs millions d’années pour y parvenir. Or cette prolongation de la durée de vie, si elle est forcément obligatoire n’en est pas moins démographique. Le taux de natalité régule cette progression. Le corps de la femme est là directement en jeu.

C’est elle – et elle seule dès l’origine – qui produit du capital corporel sous l’action conjuguée de tous les composants écologiques. La U-caverne enfante et l’écologie participe à cet enfantement. à strictement parler, la femme est une «manufacture» corporelle, c’est dire une «corpufacture».

La femme est singularisée par et dans son procès de (re)production du capital, du corps-capital et le produit de cette singularité biogénétique est absorbé par la collectivité.

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