2 - Critique de quelques sciences néo-kantiennes

La critique sera constructive. Elle dira le non-dit de l’idéologie, mais elle retiendra l’acquis épistémologique.

2.1 - La psychanalyse : de Freud à Lacan

Qu’est-ce que la psychanalyse ? Elle est émancipation, régulation et histoire du sujet.

Comme émancipation, elle est au service du fils. Elle permet de situer le relationnel avec le père. Elle permet de liquider le péché. De ce point de vue, elle est désaliénation. La psychanalyse se justifie à ce niveau. Elle répond à la question : comment vivre sans religion et sans morale ?

Comme régulation, elle est au service du père. Elle permet de normaliser la consommation, de réguler et de régulariser. La psychanalyse se justifie encore à ce niveau. Elle répond à la question : comment équilibrer la consommation ?

Comme histoire du sujet, elle a été une révolution épistémologique. Le sujet est connu et reconnu dans son historicité. Les rapports avec la mère, le père, la praxis qu’est le jeu, la sexualité, autant de mérites à lui reconnaître.

Quel est le non-dit de la psychanalyse ?

La psychanalyse est d’abord le contrepoint du marxisme. Marx donne au prolétariat la raison dialectique, il propose au producteur la révolution.

Freud offre la régulation de la consommation à ceux qui consomment. La psychanalyse arrive au moment historique où la bourgeoisie nouvelle veut se couper de la vieille bourgeoisie et du prolétariat. Elle permet cette coupure. Elle est émancipatrice. Elle fournit le contenu de l’idéologie du parasitisme. Elle est politiquement aliénée. Si elle désaliène du péché, de l’ancienne bourgeoisie religieuse, elle autorise la consommation sexuelle, fait de classe.

La psychanalyse fonde une historicité parcellaire du sujet. Elle hypostasie un moment du sujet : l’organico-affectif. Elle voudrait renverser la relation dialectique et donne le sens par l’antéprédicatif. Ainsi, elle explique le comportement politique des adultes par les fixations organico-affectives. Mais ces fixations ne sont que l’actualisation par le sujet du relationnel des parents. Les comportements adultes expliquent les fixations. Et ces fixations sont de plus anté-sexuelles et non issues de la sexualité. Le moment de la sexualité, derniers moments du sujet, n’autorise que les ultimes fixations, non les premières. Le corps-sujet, dans le champ de l’organico-affectif, a déjà acquis des conduites fondamentales qui sont constitutives du relationnel des parents. Le corps se culture pour que le sujet en surgisse. La psychanalyse truque le moment de l’Œdipe et l’exploite politiquement. L’Œdipe n’est en effet qu’un accident du politique. Dans le champ de l’organico-affectif, la dialectique désir-satisfaction est perturbée par le père, certes. Mais c’est que le père impose le contingentement de la consommation. Il impose la dynamique du relationnel, le progrès dans le concurrentiel. L’Œdipe est un simple événement du devenir du sujet, un accident nécessaire de sa genèse. L’exploitation exorbitée de l’Œdipe par la psychanalyse est un abus politique. Il marque le mépris du sérieux réclamé par le père, il est l’arme qui éternise – après l’avoir inventée – le conflit des générations. Le refoulement est dans la logique du relationnel, condition du progrès, non son arrêt.

Quel est l’acquis épistémologique ?

Positif, il est l’avènement d’une étude du sujet. Négatif, il dit que la psychanalyse est régulation de la situation de classe, régulation du sujet de classe et non du sujet universel. La psychanalyse ignore la référence : la praxis. Elle est un modèle qui permet et réhabilite cette occultation.

La coupure radicale avec la psychanalyse se fait sur le problème de l’Œdipe.

2.2 - Le freudo-marxisme : de Marcuse à Deleuze

Qu’est-ce que le freudo-marxisme ? En réaction à la critique de la psychanalyse précédemment faite, un certain courant de la culture actuelle cherche à récupérer, par un bais, la psychanalyse.

Le freudo-marxisme reconnaît lui aussi l’historicité du sujet.

Le freudo-marxisme propose la radicalisation du savoir psychanalytique. Il demande la référence à la praxis, rappelle la société de classes.

Le freudo-marxisme combat l’abus politique de la psychanalyse. Il propose un anti-Œdipe, consécutif d’une critique du formalisme de la démarche psychanalytique. Il s’attaque à la commercialisation de ce savoir, qui n’est qu’un effet rendu possible par l’abus politique. Il demande une démocratisation de cette science, une psychanalyse de toute la société, de toutes les classes.

Quel est le non-dit du freudo-marxisme ?

Le freudo-marxisme est le contrepoint de la psychanalyse qui est elle-même contrepoint du marxisme. Mais le rapport est loin d’être dialectique. La relation négation du négatif n’est pas mécanisable. Le freudo-marxisme est réactionnaire. Il va moins loin que la psychanalyse en restaurant par ailleurs des erreurs que la psychanalyse – dont il veut être la réaction – avait dénoncé.

Le freudo-marxisme suppose en effet un sujet universel. Il parle de la lutte des classes, mais croit que tous les individus des classes participent d’une homogène détermination.

Le freudo-marxisme repose absolument sur la notion de société de consommation. Or, la relation production-consommation telle que le marxisme la révèle conduit nécessairement à admettre une classe de producteurs et une classe de consommateurs. La société de consommation n’existe pas, elle est pure construction idéologique.

Quel est l’acquis épistémologique ?

Il est essentiellement négatif. Il indique la collusion entre la psychanalyse et une certaine gauche intellectuelle. Il est le constat d’un appauvrissement du marxisme qui obtient audience pour l’intelligentsia à cette seule condition de collaboration. Il dit que le freudo-marxisme est une imposture. La coupure radicale se fait sur la notion de société de consommation.

2.3 - Le structuralisme : de Levi-Strauss à Foucault

Qu’est-ce que le structuralisme ?

Le structuralisme est l’étude des sociétés archaïques. Il assume la découverte de structures sociales inconnues. L’anthropologie structuraliste accueille les sociétés primitives et cherche à déterminer leur fonctionnement et leur apparition.

Le structuralisme exploite pour ce faire un certain nombre de disciplines comme la logique, la linguistique, l’ethnologie, la musicologie. Il veut conduire sur un terrain privilégié des disciplines scientifiques.

Le structuralisme suppose que tout le relationnel des sociétés primitives est un relationnel familial. Aussi il construira un système de la parenté susceptible de redonner l’ensemble des relations des membres d’une société.

Quel est le non-duit du structuralisme ?

Le structuralisme répond à une découverte épiphénoménale du grand commerce mondial et de l’expansion des pays industrialisés. Les sociétés primitives sont une des conséquences du dynamisme du capitalisme, une de ses découvertes. Le structuralisme résout donc un problème de la bourgeoisie expansionniste. Il est un humanisme. Le structuralisme confond les structures du capitalisme et les structures primitives. Il admet que l’inconscient du primitif est le même inconscient de l’homme historique. Le primitif est entendement privé d’histoire. On ne peut confondre son inconscient non élaboré avec l’inconscient du bourgeois, résultat d’un devenir culturel. L’inconscient du primitif est l’inconscient le moins éloigné de la nature étymologique. L’inconscient du structuraliste est l’inconscient le plus élaboré, le plus éloigné de son origine.

Le structuralisme ne tente pas l’étude anthropologique des sociétés pré-capitalistes et capitalistes. Il est un appareil formel destiné à l’étude exclusive des sociétés archaïques. C’est que le structuralisme, en reposant sur la linguistique, suppose que l’inconscient et l’entendement sont immanents. Si cela est en effet, c’est que tout le relationnel possible est système phonétique, comme moindre distance entre le signifiant et le signifié. Quel est l’acquis épistémologique ?

Positif, il élabore la notion de structure. Il permet d’admettre une détermination réelle qui soit à la fois effet et cause, origine et fin. La structure est alors un champ homogène d’activité dans lequel un certain nombre d’individus et d’évènements s’actualisent.

Positif encore, il propose un essai de pluridisciplinarité, même si cet essai a des cohérences défaillantes.

Négatif, il oublie qu’une structure, comme champ homogène d’activité, est définie avant tout par son mode de production et non par ses superstructures qui ne sont qu’un effet.

Négatif, il habilite la dérive anthropologique du savoir. Le structuralisme, aboutissement de la culture capitaliste, préfère faire les structures qui l’ont produit. Il est une occultation.

Négatif encore et enfin, il impose la saisie historique de la relation nature-culture. Le devenir du sujet devra être nécessairement reposé en référence au champ de production homogène dont il est l’aboutissement devenir.

2.4 - Le structuralisme marxiste : Althusser

Qu’est-ce que le structuralisme marxiste ?

En réponse à la critique faite au structuralisme, le structuralisme marxiste veut redonner au structuralisme des lettres de noblesse. Le structuralisme marxiste reprend la distinction matérialisme dialectique – matérialisme historique. Il cherche à retrouver, ce faisant, l’appareil opératoire du marxisme. Il admet la dualité infrastructure et superstructure. Le structuralisme marxiste s’appuie sur l’acquis intuitif : l’idéologie et la praxis sont immanentes. Il radicalise en ce sens la recherche anthropologique.

Le structuralisme marxiste ramène le champ de recherche dans le cadre des pays capitalistes. Il voudrait appliquer ces concepts à leur définition nouvelle dans un secteur nouveau pour le structuralisme : le secteur de son origine.

Quel est le non-dit du structuralisme marxiste ?

Il est une réaction à la critique portée contre le structuralisme et une tentative de récupération de celui-ci par l’alibi marxiste, pseudo-marxiste.

Le structuralisme marxiste définit la structure comme permanence fixiste. Il est un interdit de l’histoire, un refus a priori du devenir. S’il reprend la distinction matérialisme dialectique – matérialisme historique, c’est comme une dualité, une dichotomie. Au niveau du matérialisme historique, la convention est simpliste, naïviste. Elle admet un rapport d’expression immédiate de l’infra et du superstructural. Le manque de matériaux historiques – incontestable – cautionne ce simplisme. L’immanence de l’idéologie et de la praxis est élevé à la dignité d’une méthodologie. Le procès de production est escamoté. Le manque d’informations scientifiques est l’effet d’une nécessité historique, une opération d’escamotage instituée par l’idéologie bourgeoise. Le structuralisme marxiste vit cet escamotage comme une nécessité absolue. Il ne cherche pas à le combattre. Il l’admet même comme fait de structure. Ce fixisme est un effet du refus de l’histoire. Pourtant la causalité structurale admise supposait une critique définitive de la théorie du reflet. En fait elle est seulement une complication, une refonte. La structure ne dit pas qu’elle est une relation a priori, un formalisme. Le discours prononcé n’est pas faux mais seulement abstrait. Puisque la structure est pureté, la dynamique est seulement interne à la méthodologie, non dynamique recodée du procès de production. Le structuralisme marxiste redécouvre alors la causalité structurale. Par contrario, toute l’évolution historique est bricolage, raccordement de l’évènementialité au conservé. Et l’évolution spécifique du mode de production est toujours occultée.

Le structuralisme marxiste, en s’imposant une privation de toute génétique, s’oblige par le fait à une étude parcellaire et elliptique. Sa revendication épistémologique est seulement politique, non scientifique.

Quel est l’acquis épistémologique ?

Positif, il est le report d’une méthodologie dans le secteur des pays capitalistes.

Mais il est essentiellement négatif.

Il indique la collusion entre le structuralisme et une certaine gauche intellectuelle. Il montre que la structure est un concept pernicieux qui a pour fonction de biaiser toute méthodologie qui l’utiliserait sans le critiquer et le refondre. Il montre enfin que l’histoire ne peut se faire en dehors de l’étude réaliste de l’évolution des modes de production. La coupure radicale se fait sur ce dernier point.

2.5 - Les autres sciences néo-kantiennes

On pourrait étendre à la totalité des sciences néo-kantiennes la critique que nous venons de faire à la psychanalyse et au structuralisme, ainsi qu’à leur refonte pseudo-marxiste, idéologique.

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