Quatrième critique :
une logique superfétatoire

 Cette quatrième critique s’attaque à la logique
revendiquée et développée par Clouscard.

1 – Les rapports de la logique et de la dialectique

 Nous tenons compte ici de l’avis
de Monsieur Henri Lefebvre.

Chez Hegel, il y a une ambiguïté : la logique est-elle soumise à la dialectique ? Cette ambiguïté se retrouve chez Clouscard. En effet, la logique de « L’Être et le Code » est sous-jacente, présupposée. Elle apparaît comme une superstructure, un fait de l’histoire. Dans ce cas la logique se définit comme contingente, accidentelle, s’ajoutant inutilement aussi bien au devenir qu’au discours sur ce devenir.

2 – La relation système formel et modèle

Nous tenons compte ici de l’avis
de Monsieur Desanti.

Clouscard s’est proposé de faire une théorie de l’histoire avec une exigence de rationalité maximale, au point de départ. Cette exigence demande de :

- expliciter le champ de concepts de la logique employée

- récupérer dans ce champ la totalité de ce qui a été historiquement produit dans l’ensemble pré-capitaliste

- exhiber la logique immanente du procès de production, c’est-à-dire retrouver, dans la stricte forme de nécessité qui est définie dans le champ conceptuel, le produit historique.

Ce projet, excellent en lui-même, passe, pour être réalisé, par un impératif : produire un champ d’exemples dans lequel la logique est mise en chantier. Le projet est hégélien, avec la rationalité de notre temps. Mais la relation système formel et modèle est floue. Clouscard dit que le matérialisme dialectique remplit la fonction du système formel, alors que le matérialisme historique est le champ d’interprétation.

Pourquoi les logiciens ont-ils inventé des modèles ?

C’est que la science a eu à faire, à un moment, aux théories “naturelles” comme celle d’Euclide. Les désignations d’objets n’étaient pas uniformément définies. La nature des règles de formation restait dans l’ombre. Lorsque le problème s’est posé de savoir comment ces théories naturelles étaient constituées, on a formalisé. On a cerné l’image fantôme du système.

Mais ce système formel, à l’usage, s’est révélé plus puissant que le système “naturel”, dans lequel il avait été constitué. Ainsi fut créée la théorie des modèles, qui consiste à rechercher les référents.

Ce point d’historique de la logique implique que le matérialisme historique doit être constitué en champ théorique naturel. Il doit y avoir création d’un système formel qui recense tous les types de relation qui seraient à l’œuvre dans le champ “naturel”. Et de plus il faut que le matérialisme historique soit la seule représentation du modèle et donc que tout modèle constitué soit isomorphe au premier.

Qu’appelle Clouscard : « mettre en évidence la logique d’un ensemble concret » ? Les rapports de classe déterminent le domaine, mais n’en indéterminent pas le mode de fonctionnement.

Les logiciens créent des règles de formations et de dépendances sur la base de matériaux très pauvres, abstraits. Avec la richesse du matérialisme historique – discours plus riche que toute espèce de discours – Clouscard doit, pour énoncer les règles de formation, isoler les segments minimaux qui sont composés selon les règles.

La logique de “L’Être et le Code” est non seulement sous-jacente, mais analogique. L’utilisation du discours de la logique ne serait que métaphorique, fondée sur une critique du formalisme. Tenons compte toujours du fait que le projet – acceptable – est de récupérer le plus que je peux de ce que je sais de l’histoire en posant les exigences de la rationalité maximale.

3 – Le formalisme

Nous tenons compte ici de l’intervention de Monsieur Perroux.

On peut revenir sur la stratégie polémique de Clouscard. Le formalisme doit se dépasser. Mais ne peut-on pas le dépasser en l’acceptant ?

Ce serait le meilleur moyen de proposer la logique elle-même, qui garderait toutes ses lettres de noblesse, toutes les formes de son apparence.

On peut résumer ainsi les trois niveaux de la critique de la logique :

1 – La logique de Clouscard, mise en évidence par lui, vient de l’extérieur, comme accident et de plus est sous-jacente, non exploitée.

2 – La logique de Clouscard est analogique, ressemblance, car l’identification de la relation sémantique-syntaxe à la relation matérialisme dialectique – matérialisme historique n’est pas recevable.

3 – Pour que Clouscard dépasse le formalisme, il faut qu’il accepte le formalisme de la logique.

Réponse

Si l’on peut admettre – provisoirement – un néo-hégélianisme, son débordement par le marxisme doit être tenté. L’épistémologie du code essaie de réconcilier, d’être le lieu de réconciliation de Marx et de Hegel. Aussi pourra-t-on dire en premier lieu que la phénoménologie est logiquement antérieure à la logique. L’histoire est première et la logique est tirée de cette histoire, du procès historique de production. De plus cette logique, prise en tant que telle, n’est pas présupposée, mais elle définit le plus largement possible au niveau du modèle d’ensemble historique au début du Livre I. Sur le deuxième point de critique, qui voudrait voir une analogie entre la logique formelle et la logique du concret, plutôt qu’une véritable opération scientifique, il faut rappeler les moments de la construction du modèle. La progression va du formalisme au réel. C’est la définition logico-formelle de la notion de modèle qui conduit à son transfert dans l’économico-historique et qui conduit au système des médiations qu’a l’Etat.

S’il y a ambiguïté, un soupçon possible d’analogie, c’est comme une fatalité immanente à l’épistémologie du code.

La logique est analogique par polémique. L’identification de la relation sémantique-syntaxe à la relation matérialisme historique – matérialisme dialectique est simplement la restitution d’un appareil logico-formel – bien conceptualisé par Badiou – à son générateur : l’histoire. C’est la tentative épistémologique d’établir un hiatus entre la logique formelle et la logique du concret qui est un formalisme, un néokantisme. Sur le troisième point de critique : le moment logico-formel dans la construction du modèle d’ensemble historique est la tentative d’accepter – pour ce qu’il vaut – le formalisme. Ce moment aurait voulu ainsi proposer un dépassement dans l’acceptation.

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