Première critique :
épistémologie et classe sociale

Nous tenons compte ici des interventions
de Messieurs Desanti et Lourau.

Pour proposer sa théorie de l’histoire, Clouscard s’impose un certain nombre d’exigences. Parmi celles-ci, les exigences d’éliminer l’ahistorisme structuraliste et de dénoncer le néo-kantisme, la philosophie idéaliste, sont propédeutiques.

Dans ce cadre, l’assignation “néo-kantisme” est trop rapide, trop large, trop lâche.

Si l’épistémologie bourgeoise peut être identifiée au néo-kantisme, alors le néo-kantisme prend une extension énorme. Comment admettre dans ce cadre aussi bien Carnap que Cohen et Husserl ? Le néo-positivisme et l’idéalisme seraient alors sous-tendus par le même non-dit et ce non-dit commun définirait l’entreprise d’Althusser ?

Si l’on prend la proposition : 7 + 5 = 12. On pourra dire :

Cette proposition est mathématique. Puis on dira : c’est un théorème de l’arithmétique. Puis enfin : c’est un jugement synthétique et a priori.

En quoi le troisième énoncé que l’on vient de formuler est-il une proposition de l’épistémologie bourgeoise ?

Et plus largement nous poserons la question : que signifie la détermination de classe apportée à une épistémologie ?

De plus, peut-on utiliser un instrument dialectique, comme le fait Clouscard, sans tenir compte du devenir de cet instrument ?

La critique du néo-kantisme est une critique de la science institutionnelle. Toute cette critique est épistémologique. Elle n’applique pas au néo-kantisme la méthode développée dans “L’Être et le Code”.

Cette critique du néo-kantisme masque un non-dit de nature institutionnelle, fondé sur une hypostase des disciplines scientifiques, transcendées.

L’inconscient, comme refoulé social, bloque la dialectique.

La critique du néo-kantisme serait alors un néo-néo-criticisme.

L’épistémologie du code serait une épistémologie bourgeoise.

Réponse

Sur l’acquis kantien, deux modes de rationalité s’exerceront. Surgira un néo-kantisme, qui a pour ambition d’infléchir le corpus kantien afin d’accéder au savoir du sujet transcendantal dans le cadre d’un ahistorisme fondamental.

Surgira le matérialisme dialectique qui est l’exigence de rationalité kantienne portée dans l’histoire, pour la construction scientifique du matérialisme historique.

La détermination de classe apportée à une épistémologie est donc à la fois historique et phénoménologique. Comme détermination historique, c’est la situation conjoncturelle – politique et polémique – de la science en cause. Comme détermination phénoménologique, c’est l’identification de cette conjoncture à un moment du devenir de la lutte des classes, donc l’identification à une classe. Toute proposition qui ne pose pas la lutte des classes dans son fondement tente d’escamoter le savoir en le fixant dans un idéalisme non opératoire.

En ce sens, il est exact que l’analyse institutionnelle du néo-kantisme n’a pas été faite. C’est une lacune. Mais cette réification dont il faudrait se défaire, n’est qu’un effet de la conjoncture politique qui autorise actuellement une production intellectuelle pour des intellectuels.

Le rationalisme est une force productive directe et l’acte rationnel, la fonction de rationalité, la fonction révolutionnaire dévolue à l’intellectuel.

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