30 - Le politique du relationnel

Le politique et le relationnel sont dans une étroite connexion. L’un renvoie à l’autre et l’histoire de l’un est l’histoire de l’autre.

Nous voulons montrer ici que le relationnel en tant que tel donne naissance puis accès au politique.

I / La double origine du relationnel

Le relationnel est constitutif d’un moment de la production économique. Il n’est pas la spontanéité des individualités face à elles-mêmes, dans le secteur de l’universalité de la communication. Le relationnel n’est pas non plus une expressivité abstraite, un échange impalpable. Il est constitutif d’un moment du corps. Et ces deux relationnels sont dans une continuité génétique, historique, structurale.

a) C’est d’abord la constitution des cellules originelles productives de l’ensemble historique. Ces cellules de production autorisent la consommation des biens de première nécessité. Cette consommation donne les conditions matérielles de possibilités d’un détachement – certes momentané et privilégié – de l’immédiateté. C’est cette économique qui permet le premier relationnel. L’échange de marchandise, la rencontre nécessaire à cet échange, objective ce relationnel, le concrétise.

La monnaie est déjà une personnalisation des échanges, une objectivation de plus. Elle est un micro-relationnel qui matérialise et aliène le particulier dans l’universel, le premier détachement individualiste dans l’organisation élargie.

Ce rapport entre personnes, renforcé par la monnaie, est rapport entre personnes possédantes. La monnaie est monnaie de possédants, culture du relationnel déjà, mais culture privilégiée. C’est la hiérarchie économique, déjà, qui crée le relationnel. La fréquentation n’est que la figure circonstancielle de l’objectivité du relationnel.

Ce premier relationnel n’a été rendu possible que par le degré de la production économique. Il est le qualitatif du quantitatif, même si plus tard il dépassera sa première origine.

b) C’est d’abord aussi la présence organique, biologique, existentielle, du corps.

Le corps est progressivement constitué en relationnel. Simple organique, il va être initié par le relationnel familial. C’est par le corps, grâce au corps, dans l’exploitation, l’actualisation de ses potentialités, une logique qui a pour but de lui faire dépasser ses fixations ontologiques. Le relationnel s’acquiert, au même titre qu’une technique. La logique du relationnel à ce niveau se distribue selon les trois composantes, les trois formes a priori de la corporéité, le spatio-temporel, les groupes et le ludique. C’est lorsque le corps-sujet aura assimilé cette culture qu’il accèdera à la dernière opération technologique qui consacrera son accession au relationnel : la fonction symbolique, le langage. Le relationnel est constitutif du corps-sujet. Le sujet est d’abord présence au monde par son corps, et son corps est l’ensemble complet, le sujet lui-même, qui devra accéder par le relationnel originel en relationnel plus élaboré. Le relationnel de la corporéité est une relationnel silencieux mais culturé, c’est une relation du corps étymologique avec le corps familial.

II / Continuité des conduites individuelles et des conduites macro-sociales

Cette double origine du relationnel, double ontologie, suppose la continuité des conduites individuelles et des conduites macro-sociales.

En effet, le relationnel auquel accède le corps-sujet et le relationnel rendu possible par le degré de production économique se rejoignent. Leur lieu commun est à la fois sociologique – la famille – et logique – le procès d’accession est conforme dans les deux cas.

La continuité est historique et logique. Le corps-sujet apprend du relationnel ce que l’économique a constitué. Et l’économique a constitué le relationnel grâce et par le corps – production des moyens de production – et grâce et par les conduites universelles acquises. La famille est la cellule de production économique et relationnel. Elle permet, autorise et forme les conduites de travail et les conduites de communication.

III / La loi d’intégration par le politique

Culture corporelle ou culture économique, le relationnel va dépasser sa double origine. Au niveau macro-social comme au niveau individuel, le relationnel va s’étendre, se formaliser, s’institutionnaliser. Le relationnel va devenir sémiologie.

a) Au niveau macro-social, le relationnel va progressivement constituer ses propres déterminations, atteindre au superstructural autonome. Les classes constituées par l’économique élaborent leur propre relationnel, intersubjectivité de groupes. Les classes vont devenir le relationnel en tant que tel, institutionnalisé par le juridique, l’administratif et le financier. Le relationnel des cellules originelles productives, qui était relationnel de l’immédiateté devient relationnel de la médiation. Comment ce progrès est-il possible ? C’est que le relationnel comme embryon de superstructure, tel que nous l’avons vu, produit directement par l’économique, a pour corollaire un autre relationnel, celui-là de l’héritage d’une économie précédente. Ce relationnel est le relationnel du vassal et du suzerain. Le contrôle de la production étymologique le suppose.

Le relationnel vassal-suzerain vaut parce qu’il est en fait une partie de la séquence suzerain-vassal-vilain. C’est-à-dire que le suzerain va politiser, institutionnaliser, par l’Etat, l’économie mise en place par le vilain et la vassal. Il va profiter du relationnel horizontal – relationnel de l’échange – et du relationnel vertical – relationnel du contrôle. Ainsi va se constituer le politique, constitutif des cellules originelles de production. Ainsi la structure féodale sera la conquête par le mode de production de son pouvoir politique.

Le politique du relationnel, au niveau macro-social, est constitué. Le politique devient un pouvoir du monde. Le politique arrive comme moment de l’autonomie superstructurale du relationnel. Le politique a progressivement intégré l’étymologie, la production organique et ses effets.

b) Au niveau individuel, le sens va aussi du relationnel simple, forme de corporéité, organique, au relationnel universel, politisé.

Le relationnel des enfants est passage du sujet au politique. L’initiation du corps humain est initiation au corps social. Il y a trois grandes périodes de la génétique totale : l’ontologie, le savoir et le politique. L’accession au politique se fait par le savoir, par une culture de l’ontologie. La genèse du sujet est l’histoire logique de l’intégration progressive de la subjectivité dans le politique. Le sens de la croissance va de l’organique au politique par l’affectivité familiale. C’est la progressive réduction de cet organique par le politique. C’est la loi d’intégration par le politique. Le politique permet au sujet de se libérer de l’organique, il est accession à la liberté, dépassement des fixations sensibles. Le champ du relationnel impose au sujet le politique. L’affrontement politique est inéluctable. Il est affrontement avec les autres. L’acquisition des conduites politiques suppose déjà l’acceptation de l’ordre politique.

Au niveau macro-social comme au niveau individuel, le relationnel a autorisé la progressive intégration par le politique. Le superstructural légalise cette intégration et ordonne ainsi le système de tous les échanges. Les classes sont constituées. Le politique du relationnel est advenu. Le politique et l’économique étaient immanents. Le relationnel a rendu nécessaire un décalage entre la force productive et les rapports de production. Une relation causale a surgi. L’histoire est apparue.

Son sens et son aboutissement est le pouvoir politique par sa présence constitutive dans le relationnel. Le politique est le contrôle du relationnel et sa condition de possibilité.

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