Le parcours de l’être se fait de la nature à la culture. Du corps – sensibilité et perception – à la société de classes – entendement et raison. La phénoménologie est l’étude de la constitution des classes sociales selon la progressive négation et intégration de la nature par la culture.
Nous allons d’abord étudier la relation nature-culture. Puis nous verrons comment le corps est une nature culturée. Et nous rappellerons la distinction capitaliste des classes sociales.

I / La relation nature-culture

La relation nature-culture est historique. La nature n’est pas élaborée, donnée comme telle, puis à assimiler. Elle n’est pas ordonnée par un antéprédicatif transcendant et énigmatique. C’est l’acte de négation qu’est l’histoire qui élabore la nature. L’histoire rend compte, l’histoire est le compte-rendu, le procès lui-même de l’arrachement de l’être à la nature par la progressive négation opérée par les forces productives.
C’est l’histoire, c’est-à-dire la distance évènementielle, qui donne sens et contenu à la nature. Ceci impose une distinction radicale entre l’ontologie et la nature. L’ontologie n’est pas la nature, mais au contraire l’être produit par la culture, par la phénoménologie.
A contrario la définition de la nature sera : la privation de toute détermination phénoménologique. Cette définition est dialectique. La nature est toujours par la culture et la culture est distanciation d’avec la nature. La nature n’a pas d’histoire, elle est radicalement privée d’histoire.
La relation nature-culture est donc la relation de l’être avec son histoire, la phénoménologie ontologique. Les figures circonstancielles de cette relation conduiront l’être à la plus complète codification, à la plus complète négation de son étymologie, au code lui-même, à la raison de la Cité.

II / La nature culturée

Mais si la nature, entité abstraite pour l’idéalisme, est toujours en relation historique avec la culture, le corps n’échappe-t-il pas à cette radicalisation réaliste ?
Le corps serait alors le dernier refuge de l’antéprédicatif, la chose en soi s’y abriterait. Il y aurait une nature humaine, à défaut de nature pure.
La genèse du sujet, les moments du développement de l’être, la culture corporelle montre qu’il n’en est rien.
Le corps, à la naissance, est déjà en proie au devenir. Par le cri, le sujet proteste, indique, signifie que la nature est privation de sociabilité. Le bébé demande la relation, la culture. Par l’acquisition des conduites naturelles, puis par le passage de ces conduites aux conduites politiques, enfin l’accès aux conduites politiques, le sujet arrive à cultiver son corps, à le dominer, à le dépasser. La nature qu’est le corps, la substance étymologique dépourvue de toute histoire, est culturée. De l’organico-affectif au sensori-moteur et au langage, le corps sujet manipule, expérimente, explore les formes a priori de sa corporéité. Le langage marquera la définitive formalisation de la sensibilité et de la perception. Il marquera la définitive distanciation du corps et de la nature – et non pas comme le voudrait l’idéalisme, la distanciation du sujet et du corps. Le corps est, à la fin de son parcours, arrachement à la nature et ce par quoi cet arrachement est possible et réalisé. Le corps amène le sujet au politique, autorise et fonde lui-même la culture de la substance. La nature n’a jamais pu se poser comme telle. L’imaginaire sera justement la nostalgie de cet Eldorado naturel, que la culture acquise suggère, mais qui n’est que le moment où l’acquis se sociabilise, moment dynamique. L’imaginaire identifiera la mère et l’ontologie, la mère et la nature, dans un confusionisme abusif, mais que l’émotion justifie. La nature est toujours culturée et culturée dès l’étymologie par le corps.

III / Les classes cultivées

La relation nature-culture, qui voit la culture prendre le dessus sur la nature grâce et par le corps-sujet, se complique au niveau macro-social. Dans le champ de production étudié, la nature est progressivement réduite. C’est d’abord l’arrêt du panique, par la fixation du barbare aux cellules de production et par la culture de Cour autorisée par la pacification. Le panique est arrêté et rend possible la psyché.
Mais c’est encore la juxtaposition du naturalisme de la production agraire au christianisme. Il faut attendre l’apparition de la cité pour que la plèbe rencontre la bourgeoisie et la noblesse.
Alors dans la cité, nature et culture se synthétisent. La plèbe comme naturalisme s’affronte à la bourgeoisie de robe – intellect – et à la noblesse – sensibilité. L’entendement sera la synthèse de cet intellect et de cette sensibilité. Par ailleurs, le naturalisme sera réduit dans le conformisme. Les classes sont en effet différemment culturées. La plèbe – qui est le vilain émancipé fixé dans les faubourgs de la ville – importe le naturalisme, la culture la moins élaborée, qui correspond au mode de production rural.
La bourgeoisie commerçante a pu accédé, elle à l’intellect, par l’achat des charges. La noblesse, par la psyché, a atteint, elle, la sensibilité.
Le naturalisme vidé de la cité, soumis aux modèles culturels proposés par la Cité – la Comédie – est maintenant conformisme.
La noblesse est dépassée par la bourgeoisie – le grand commerce – avec qui elle doit collaborer. C’est la synthèse de la sensibilité et de l’intellect. C’est l’entendement.
La synthèse de l’entendement et du conformisme sera la raison.
Ainsi selon les praxis, la nature a été diversement culturée et le corps a reçu une éducation différente. Le sujet est un sujet de classe et l’accession à la culture est accession à une classe.
La relation nature-culture est historique. En cela, elle est procès dialectique universel. Le relationnel politique et économique – par lequel le politique est conditionné – réduit cette universalité. La relation nature-culture, l’histoire de la nature culturée se fait histoire de classe, histoire de classe cultivée et histoire de classe moins cultivée. Le discours universel n’est plus alors que le discours du corps ou le discours de la raison dans une société sans classe.

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