12ème Variation • Le corps utérus initial

L’utérus de la femme se propose initialement comme centre de transformation de matières diversifiées, qu’il va assembler.

Cet assemblage à la chaîne dure neuf mois chez la femme. Durant cette constante intersubjective chiffrée, le fœtus, l’embryon, le bébé croissent et s’informent. Il n’y a aucun temps aucun espace–temps de latence. Le traitement algorithmique, algébrique, des informations fonde, donne naissance à la première phylogenèse qui est donc intra-utérine. Le nourrisson porte bien son nom : nourrissons-le. Le liquide amniotique le nourrit, mais non seulement de substance immédiate mais aussi d’informations à capitaliser. Les substances alimentaires sont les premières informations livrées, informations portant sur le milieu extérieur.

L’intra-utérin, le corps intra-utérin, se cultive dans les deux sens de l’expression. Le corps intra-utérin se cultive en se nourrissant. Le nourrisson nourrit son savoir, sa culture. Le visible complexe complique l’invisible simple. L’ADN se lit, se décode, s’identifie.

L’organique cognitif va rester ignoré, voire méprisé par les chercheurs. La rationalité, toujours idéaliste, refuse une démarche pourtant mathématique : le corps intra-utérin compte, dans les deux sens de l’expression. Le chromosome est déjà le résultat d’une capitalisation d’informations, une authentique banque de données initiales, initialisées, initiantes.

Le langage du corps s’élabore dans l’utérus.

La personnalité se forge dans cet utérus. Les étapes de cette formation restent ignorées encore au début du troisième millénaire.

Regrettable.

La charge neuronale crânienne et ventrale se met en route ADN. La personne a neuf mois pour appréhender sa situation. Elle est effarante.

Que fout-il là-dedans ?

Les transformations vertigineuses du fœtus indiquent à qui mieux mieux le degré d’activité de toute nature. La vitesse de propagation des informations et la réaction foudroyante, matérielle, pratique, qui en découle, sidère.

Le fœtus doit s’adapter à l’univers dans lequel, dans neuf mois après sa conception, il sortira. Cela donne la preuve flagrante de l’inadaptation du fœtus. Comme fœtus, il ne peut vivre dans cet environnement. Inadapté, le mec.

Le fœtus suit alors un programme de fœtus augmenté, destiné à s’intégrer, ici et maintenant, géo-historiquement. Le fœtus suit ce programme et doit aussi observer dehors pour juger des modifications adaptatives. Sa position, précaire, en milieu aqueux, mal logé, beaucoup trop étroitement, n’est pas fameuse. Il va pourtant y arriver. Il faut donc mettre tout (sinon beaucoup) en œuvre pour reconstituer le plan éducatif de cette programmation biogénétique.

La graine se souvient de l’arbre qu’elle va devenir. Mais si le programme ADN est fermé, le programme cognitif est ouvert : l’environnement ne cesse de se mouvoir. Le chaos phénoménal appelle une grille mathématique de lecture, une sorte de preuve par neuf. La constante intersubjective y sera.

A la naissance, l’inadapté et son entourage découvre que le bébé doit encore se transformer physiquement, sa croissance matérielle n’étant pas achevée. L’inadapté l’est encore plus qu’on ne craignait.

Le corps utérin initial met plusieurs années d’augmentation, de transhumanisme, pour enfin trouver son autonomie. Le produit initial n’est décidément pas au point.

La croissance la plus spectaculaire est neuronale. Des milliards de neurones et de synapses se branchent en boucle, 24 heures sur 24.

Cette usine, tour de contrôle, parvient à une productivité à faire pâlir un Ford ou un stakhanoviste. Ces circuits bio-informatiques doivent être mis à jour pour espérer y comprendre quelque chose de plus. Ces circuits semblent être zonés, activés ou mis en veilleuse selon les informations qui arrivent. D’autant que pendant ce temps, l’environnement socio-culturel poursuit sa propre dynamique complexe.

Tout le travail éducatif devient du coup une déprogrammation d’une partie des informations mémorisées par le nourrisson.

Il faut l’aider à réduire les bugs, les erreurs de programmation. C’est la capacité physique et non pas celle culturelle, qui handicape le marmot. Il n’est pas physiquement fonctionnel. Il dysfonctionne. Son corpus cognitif lui permet de faire face, dès maintenant. Le cerveau, le corps-cerveau, doit aider à la prise de contrôle de ce scaphandrier qu’est le corps-matière. Il s’agit d’adapter le corps à son environnement physique.

Tout cela, c’est du temps perdu et l’occasion de dissensions.

D’autant, encore une fois, que le corps démographique dans son ensemble, accumule des informations universelles afin d’adapter, de mettre à jour, son propre programme.

Cette danse chassé-croisé a de quoi faire tourner la tête. Hors tout ce qui est complexe dissimule tout ce qui est simple. Cette simple phrase est plus complexe qu’il n’y paraît.

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *