3ème Variation • L’énergie terrestre

L’énergie terrestre n’a rien d’original. C’est simplement la nôtre. Ce n’est pas singulier qu’elle soit la nôtre, puisque nous avons été produit pour la consommer. Il n’y a pas de quoi être fier. D’autant que l’homme arrive sur terre quelques secondes, allez quelques minutes avant le Nouvel An. Auparavant, la terre s’est très facilement passée de lui pour mener à bien les différenciations de la matière. L’homme n’est qu’un avatar loin d’être final aboutissement, achevé d’un inachevé, en voie expérimentale intersubjective d’achèvement.

Il faudra voir si l’expérience réussit.

Pour l’heure, la Terre est rythmée par la matière initiale mise en mouvement selon moi non par un problématique Bing Bang de gamins, mais par un papillon. La Terre donc, servie sur un plateau intersidéral.

L’intersubjectivité se met en route. L’information circule. À chaque rencontre d’un électron, d’une particule avec une particule, naît un corps, produit de cet impact intersubjectif.

Il est faux de dire que rien ne se crée, rien ne se perd. Tout se perd et tout se crée, par action intersubjective des corps. La métamorphose des corps embarque toutes les informations des particules qui se rencontrent dans l’accélérateur universel.

Ici le rythme mesure la différenciation.

Qu’est le rythme ?

La pulsation de l’énergie. La pulsation fonction réelle de la matière en vibration atomique moléculaire. Il ne faut pas chercher une fonctionnalité anthropologique. L’anthropomorphisme primaire ne sait pas fonder une anthropologie.

La matière a son rythme et le rythme produira l’homme. Être anthropomorphe, c’est croire que l’immédiate nature imite l’homme.

Mais c’est à l’homme de passer à un anthropomorphisme supérieur. Là il admet qu’il imite la nature. Alors une anthropologie peut naître, du grec « anthropos », homme et « logos », discours, études, recherches.

Pour l’instant, de toute façon, l’homme n’a pas encore posé le pied sur terre, la main de l’homme n’y a donc pas posé son pied.

La Terre, seule, sans nous (et probablement vachement contente de l’être).

Sur et dans ce corps céleste qui est devenu la Terre, des mutations s’opèrent. Des assemblages se produisent. La vitesse des corps en mouvement se rythme au gré des collisions atomiques primitives. Ces agglomérats se stabilisent dès lors que les masses en présence demandent une énergie considérable que le système ne peut plus fournir. L’inertie interrompt les effets de l’accélérateur naturel de particules élémentaires. Trois masses se superposent : la masse rocheuse, la masse liquide et celle gazeuse. Trois corps coexistants, interdépendants, développent des processus matérialistes complémentaires. Chacun de ces trois corps suit donc des rythmes différents, qui conditionnent leur développement. L’eau, la roche, le gaz, issus chacun d’une combinatoire donnent naissance à des formes de vie spécifique. Chacune, vivante, décline à l’infini apparemment des caractéristiques destinées à parcourir de longues durées. Ces formes d’expression fractale communiquent. Cette communication terrestre ne s’identifie pas comme telle. Un dynamisme autarcique cherche son équilibre atomique. Deux corps — l’eau, le gaz —, plus mobiles que le troisième, accélèrent la vitesse énergique de transformation. C’est de là que les espèces vivantes vont surgir. Ces espèces sont en effet dite « vivantes ». D’un point de vue atomique, ce « vivant-là » n’est pas plus ni pas moins vivant que les corps premiers. Il y a abus de langage anthropomorphique.

C’est que, en effet, le vivant biologique vient (sort) de là. Dès lors se pose l’atroce question, pataphysique, de la violence.

La matière serait-elle prédatrice ? Le vivant semble issue d’une mort énergétique, d’une matière qui se détruit pour produire des corps fractals, fractures d’un dynamisme de collisions atomiques.

Les formes du vivant semblent dans ces conditions drastiques déterminées pour stabiliser cette violence. Chaque corps primitif cherche une solution. Les civilisations premières, naturelles, se consacrent à cette pacification de l’énergie nucléaire terrestre.

Une recherche expérimentale universelle, ainsi enclenchée, se poursuit. Cette recherche dure donc 4,5 milliards d’années. Cette hyper longue durée est donc nécessaire à l’apparition de ce que l’homme va nommer la nature. La mémoire coûte ce prix-là en espace temps dispersé. La nature, résultat de cette diffraction de l’énergie accumule tous les savoirs de pacification, désarmement de la violence. Chaque corps est une tentative personnalisée, dépendante du tout, tentative d’équilibrage de l’énergie initiale et de l’énergie captée. Chaque corps se trouve ainsi alimenté. L’équilibre des corps, des populations de corps élémentaires cherchent un équilibre d’énergie, d’alimentation énergétique. Les substances et les populations cherchent par principe fondateur, un équilibre. L’histoire de la Terre n’est que l’histoire de la recherche de cet équilibre entre populations et subsistances, entre corps premier et énergie initiale. Les différenciations ne sont, dans ces conditions, que des formes expérimentales d’un équilibre testé, pratiqué. L’équilibre est toujours a posteriori. Mais ces différenciations fractales n’en continuent pas moins de traîner donc cette atroce question de la violence.

Une fleur donne sa solution, un nuage comme une pierre précieuse, un mouvement de protéines comme un dinosaure ou une amibe. L’eau domine ce protocole expérimental acharné.

Pourquoi l’eau ?

Pour autant que l’on sache, ce corps aquatique va produire des formes vivantes à l’origine de la vie sur Terre. L’eau rampe vers l’oxygène atmosphérique. L’amibe mue. Ces formes terrestres, produit d’une immigration, tendent à se mettre à distance de leur milieu d’origine. Le premier corps qui s’extrait du milieu aquatique manifeste son inadaptation à l’eau. La dynamique terrestre renonce à l’énergie aqueuse. L’exposition plus directe aux rayons du soleil implique une photosynthèse. Les informations recueillies au cours de cette photosynthèse autorisent des mutations impossibles autrement. Au début du XXIe siècle (2015) une discipline va apparaître pour aborder ce problème : l’opto-génétique. Si même les corps terrestres restent composés d’eau, la structure tend à  se vertèbrer. L’eau ainsi se solidifie.

Le corps se durcit. Une mécanique se met en place. Une physique des solides mobiles s’élabore. Ces mutations mécaniques se diversifient dans un corps et sur un corps solide, la Terre. Une juxtaposition de liquides et de solides se mettent en place, à la recherche d’un équilibre symbiotique. L’énergie consommée n’est plus une combinaison simple d’hydrogène et d’oxygène. La nécessité de consommer de l’eau, par ponction, combine la consommation énergétique solaire dans un procès de consommation complexifié. La vie sort de l’eau, mais la vie se complique la vie. Un mode de production écologique apparaît alors, système de relations intersubjectives à la recherche de lui-même. Le corps non-aquatique, terrestre, vit dans cette contradiction fondamentale. La vie sur terre, comme la vie sous l’eau ou dans les airs, démultiplie les formes corporelles. Ces diversifications se révèlent ainsi comme procès de contestation du milieu originel, contestation de ce milieu et contestation de l’existence nécessaire et suffisante de ce milieu. Le corps sortant de l’eau conteste l’eau.

Le vivant dans son ensemble devient alors une protestation contre le milieu naturel.

Le vivant se contredit et les corps différenciés partent à l’aventure chercher une autre source d’alimentation énergétique que la seule eau. Le corps s’éloigne de sa matière. Le corps s’écarte de la mère. Aussi bien n’est-ce pas un matricide, mais au contraire un infanticide. L’eau rejette ces corps inadaptés au milieu aquatique, surplus démographique d’un écosystème surpeuplé.

Les enfants, allez jouer sur l’écorce terrestre.

Pourquoi pas ? Toutes les hypothèses sont possibles, à condition de ne pas les ériger en postulats.

Deux mondes se juxtaposent de toute façon, lieu d’accueil de corps différenciés. Dans l’eau ou hors d’eau, voilà maintenant l’histoire de la Terre devenue bifide.

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